Pourquoi faut-il séparer politique et religion

La comparaison qui va suivre vise résolument à faire comprendre la nécessité de ne pas lier identité religieuse et identité étatique, de faire comprendre les conflits d’intérêts que peuvent provoquer l’association du politique et du religieux. D’autres comparaisons auraient été possibles, la rédaction de l’Observatoire politique tunisien a délibérément choisi une comparaison qui poussera à la réaction car renvoyant à un sujet dont se soucient les Tunisiens.

Il existe un mouvement politique et religieux qui a souhaité mettre en place dans un pays un régime spécifiquement en faveur d’une communauté religieuse avec à sa tête un État relevant de cette même religion. Cet État déclaré ouvertement multiconfessionnel fonde sa légitimité et son droit d’existence sur des droits historiques d’essence religieuse attestée dans le texte sacré de cette même religion. Cet État « schizophrène » à sa création, prit donc racine à la fois dans l’idée de modernisme, d’ouverture, d’universalisme et dans l’idée de s’appuyer sur les règles édictées par Dieu, à travers la religion d’État, et ce en totale contradiction avec le droit positif en vigueur dans ce pays et malgré leur signature de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Les Tunisiens concèderont a priori qu’il y a de nombreux points communs avec ce mystérieux pays. La Tunisie dont l’hospitalité n’est plus à prouver, où la cohabitation religieuse est réelle, qui possède une constitution qui reconnaît l’islam comme religion d’État, qui est dotée d’un droit progressiste, qui a ratifié cette même Déclaration Universelle et dont le modernisme  est connu bien qu’il ait longtemps servi d’alibi au régime déchu. Nous espérons en tout cas qu’ils y verront un parallèle intéressant à l’actualité… Poursuivons.

Cet État s’appuie donc sur deux fondements absolus, qui tiraillent aujourd’hui le peuple de ce pays, jouant sur son identité car étant parfaitement antagonistes. La première idée, véritable liant national, permet de ne mettre aucune religion au dessus d’une autre, les plaçant comme une mosaïque de vérités, sur un pied d’égalité. Elle permet également l’acceptation de l’autre et la cohabitation de religions différentes de celle du dit État dans une neutralité protectrice des convictions de chacun. La seconde idée au contraire, exclut une partie -minoritaire certes, mais exclut quand même- des ressortissants du pays du fait de leur confession religieuse car l’adhésion à la religion d’État est constitutive à l’appartenance nationale. Ils sont donc forcément sous considérés par rapport à un ressortissant de la confession de la religion d’État…

La comparaison aux problèmes actuels tunisiens ne s’arrête pas là, puisque l’islam politique tunisien revendique une morale et une éthique ayant pour référent la culture arabo-musulmane. Pourtant cette dénomination n’est pas simple à définir, quelle culture arabe? quel courant de pensée de la religion musulmane? Issue de quelle aire géographique? Sunnite? Chiite? Sous le contrôle de qui, puisque Dieu Seul en a la légitimité et que personne ne peut parler en Son nom?

Là encore, la religion de l’État dont nous parlons, à une revendication similaire et se confronte au même problème de courants de pensées différents au sein de la religion d’État… Le liant entre ces courants de pensées ne pouvant passer que par un nationalisme ségrégatif, qui fonde une identité religieuse commune, en opposition ou par l’exclusion des autres.

Comment peut-on vouloir créer un modèle de société qui se fonde sur l’opposition des communautés, qui se construit en négatif, par rapport à l’autre et non par rapport à ses propres aspirations. Comment espérer s’épanouir, rassembler et avoir de la fierté pour ce qu’on est, quand la seule force qui nous anime est de créer « contre » plutôt que « pour »… Ce mouvement politique religieux qui confond culture et religion , est le sionisme et cet état qui se revendique État juif est Israël.

L’Observatoire politique tunisien reconnaît sans difficulté l’existence de l’État d’Israël, qui a le droit d’exister, et dont les institutions démocratiques sont souvent montrées en exemple. Il fait également bien la différence entre les termes, juifs, israéliens et sionistes. Là n’est pas la question. La rédaction se demande simplement si les Tunisiens veulent vraiment construire un modèle de société religieux porté par un parti dont les méthodes populistes sont comparables aux méthodes du sionisme. Eux qui ressentent tellement de dégoût pour les conséquences de cette politique sur le quotidien des Palestiniens.

Dans une volonté de construire une société idéale, plus juste, plus équitable, nous pensons que les Tunisiens doivent se mobiliser et ne pas céder aux tentatives d’intimidation qui ont lieu dans le pays. Il faut voter pour les partis progressistes, pour aider à la désacralisation de la tradition musulmane en libérant la culture du contrôle de la religion. Ainsi notre culture ne sera pas arabo-musulmane mais tunisienne, citoyenne, dans le respect des valeurs de l’islam.

A propos observatoirepolitiquetunisien

L'Observatoire Politique Tunisien est une initiative individuelle privée, non affiliée à un parti, qui a pour objectif de sensibiliser les Tunisiens à la politique. Par des présentations, des analyses et des commentaires de l'actualité politique du pays, nous tenterons de fournir aux lecteurs quelques clés pour analyser et comprendre la communication politique des différentes composantes du paysage politique tunisien.
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7 commentaires pour Pourquoi faut-il séparer politique et religion

  1. adel dit :

    je ne suis pas d’accord , durant toute l’histoire de l’humanité religion et politique sont indissociables , et les arguments avancées sont sur-realistes

    • Vous n’êtes pas d’accord et c’est votre droit puisque nous sommes maintenant en démocratie. Si vous pouviez cependant argumenter votre point de vue afin d’essayer de nous convaincre ce serait encore mieux. Car de nombreux exemples de politiques laïque ou sans référents religieux existent contrairement à ce que vous dites…

  2. tunisien dit :

    Intéressante comparaison ! Je suis d’autant plus intéressé qu’il est devenu tellement rare par les temps qui courent de trouver une opinion de cet ordre sur la question religion, identité et état. Je me permets de vous signaler mes propres contributions sur la question qui, comme vous le verrez, ne contredisent pas la vôtre et vous feront peut-être plaisir autant que m’a fait plaisir la lecture de la vôtre. Vous les trouverez sur mon blog ici, ici) et ici

  3. Ping : Comment choisir son candidat en ligne ? — Actualités du monde !

  4. Willy dit :

    Vous faites une erreur très comphéhensible. « Etat juif » ne se compare pas à « Etat musulman » mais à « Etat arabe », ce qui ne pose aucun problème aux multiples états arabes de notre région. En effet, si « juif » peut signifier « de religion juive », il signifie surtout « appartenant au peuple juif ». La complexité est que le critère de reconnaissance d’appartenance au peuple est la religion….

    Je précise d’alleurs que la résolution 181 de l’ONU en 1947 fonde un « Etat juif » et un « Etat Arabe » et ce n’est qu’en 1948 que les dirigeants du premier décident de nommer Israel l' »Etat juif ».

    Si les dirigeants actuels insistent sur cette notion d’Etat juif, c’est parce qu’ils craignent qu’après la Jordanie (majorité palestinienne) puis la Palestine, le « retour des réfugiés » fasse d’Israel un troisième Etat palestinien.

    Ironiquement, à la date d’aujourd’hui, le seul pays de la région ou des Arabes peuvent choisir leur Premier Ministre est Israel. Avec ses 11 députés sur 120, les partis arabes ont un poids importante….

  5. Merci pour ces précisions historiques. Nous souhaitons simplement ajouter que le bagage religieux est si important dans les cultures sémitiques qu’il est difficile de dissocier religion juive et état juif comme il est difficile de dissocier état arabe et religion musulmane… Il y a donc malgré tout une adhésion à la religion constitutive à l’appartenance nationale qui exclut de fait les ressortissants de confession religieuse différente. D’où la nécessité de désacraliser la culture pour que la Tunisie soit le premier « Etat arabe » (bien que « arabe » soit discutable) égalitaire avec l’ensemble de ses ressortissants.

  6. tunisien dit :

    Il est vrai que les éléments ethniques et culturels sont souvent entremêlés avec l’élément religieux dans ce genre de situations. Il n’en demeure pas moins que dans le cas précis de l’état juif, il est notoire que l’élément fédérateur mais aussi la condition sine qua non d’accès à la nationalité et de jouissance de l’ensemble des droits qu’elle confère est bien l’appartenance religieuse, de sorte que l’identité juive ne peut en aucun cas être comparée à une identité arabe. Elle pourrait, en revanche l’être, au moins jusqu’à un certain point, avec une identité musulmane dans le cadre d’un état musulman sur le modèle de celui en place à l’époque de l’empire musulman avec ses dynasties successives et elle le serait probablement avec un éventuel futur état musulman pur et dur si les islamistes arrivent à leurs fins. Je vois mal comment on pourrait établir un quelconque parallèle entre arabité et judéité ou judaïsme. Une connaissance élémentaire de l’histoire des peuples en question récuse tout parallèle de ce genre de manière irréfutable. Ce n’est pas par hasard qu’il y a des arabes chrétiens et des juifs arabes mais jamais des juifs chrétiens ou musulmans ! Quant au prétendu privilège qu’auraient les Arabes d’Israël et qui les distinguerait de tous les autres arabes dans les autres états de la région en ce qu’ils peuvent élire leurs députés (Je croyais que le Liban faisait partie de la région et qu’il était peuplé d’arabes, sans parler de la Jordanie, du Maroc et même du Koweït. Alors, n’exagérons pas !), n’oublions pas que les lois israélienne sont fondées sur deux notions, celle de citoyenneté et celle de nationalité, cette dernière étant réservée aux seuls juifs. Or, c’est elle qui donne accès au statut et à la jouissance de l’ensemble des droits découlant d’une citoyenneté à part entière, ce qui crée de droit aussi bien que de fait une citoyenneté de seconde zone.

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